Le ministre de passage

« Le Ministre de passage », de Jean-Louis Leconte

Dans Le Ministre de passage, Jean-Louis Leconte imagine l’itinéraire chaotique d’un employé du ministère des Finances. Une plongée dans les arcanes du pouvoir français. 

Voici bientôt un demi-siècle (c’était en 1972), le réalisateur américain Woody Allen – accusé depuis de comportements sexuels « inappropriés »– remportait un immense succès avec un film à sketches intitulé Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le sexe sans jamais oser le demander.

Dans un genre certes très différent, mais tout aussi insolite, un autre réalisateur (français, celui-là), le cinéaste Jean-Louis Leconte se propose quant à lui de répondre aux questions que vous vous posez depuis toujours sur les mœurs politiques (françaises en particulier) sans avoir jamais osé aller plus loin.

Le moyen qu’il utilise pour cette initiation à l’univers impitoyable du pouvoir n’est pas un rébarbatif traité de politologie mais un aimable récit aux allures de roman policier. À ceci près que son style châtié évoque davantage Chateaubriand ou Proust que San Antonio.

Le Ministre de passage (c’est le titre du roman) raconte l’itinéraire cahoteux et chaotique de Arthur Blanchot, un brave homme un peu dérangé (dans le métro, il est pris d’hallucinations effrayantes), dont le comportement étrange s’explique peut-être par le fait qu’au ministère des Finances, où il est employé, il s’occupe de statistiques. Or les mathématiques, parfois, on le sait, rendent fou…

À son poste, il voit des ministres de succéder à un rythme soutenu, leur départ étant dû tantôt à une démission, tantôt à… une défenestration !

Soupçonné d’être sinon l’auteur, du moins le responsable de cette dernière, le pauvre Blanchot se retrouve devant un juge d’instruction, qu’il confond avec son psychanalyste – et auquel, du coup, il demande, à la fin de l’interrogatoire, « combien vous dois-je ? ».

Le roman de Jean-Louis Leconte est émaillé ainsi de scènes désopilantes, de répliques percutantes, de dialogues brillants (on croit parfois entendre du Michel Audiard). Mais cet humour discret, toujours distancié, et servi par un style élégant, cache une peinture féroce des pratiques en usage dans les contre-allées du pouvoir. Ne se faisant manifestement guère d’illusions sur la nature humaine, l’écrivain-cinéaste brosse au passage quelques portraits d’individus dont le point commun est l’échec final.

Quand on lit Jean-Louis Leconte, on rit. Mais on rit jaune.

Par Jean-Louis Gouraud

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