« L’homme battu » de Olivia Koudrine par Jean-Louis Gouraud

Note de lecture.

Violences conjugales : la victime n’est pas toujours celle qu’on croit…

Fallait oser !

Au moment où il est quotidiennement question de féminicides, de femmes battues, de violences conjugales, insinuer que ces violences ne sont pas toujours à sens unique, que les hommes aussi (les mâles) peuvent en être parfois les victimes, cela suppose une certaine audace. Surtout si l’auteur de ces insinuations est une auteure – ou une autrice, comme on voudra –, c’est-à-dire une femme, et donc nécessairement une victime sinon réelle, du moins potentielle.

C’est le courage qu’a eu l’écrivaine Olivia Koudrine en racontant, dans un roman au titre explicite (L’homme battu) comment une épouse peut détruire son conjoint par d’autres moyens que par des accès de brutalité, de façon moins spectaculaire mais tout aussi violente : par une lente démolition, un harcèlement psychologique continu, une sorte d’écrasement de la personnalité, d’humiliation permanente, une patiente entreprise de rabaissement. Une castration.

Pour illustrer son propos, Olivia Koudrine s’est mise dans la peau d’une petite fille, dont la mère est prof de maths, et le père prof de musique. Affligée du spectacle lamentable qu’offre son père au quotidien, de ses reculades, de sa faiblesse, de son effacement, la fillette commence par mépriser, voire détester, ce père si peu viril, dont elle a honte, avant de prendre conscience, à sa mort, que ce brave homme a été tout simplement détruit à petit feu par une épouse abusive, par ce qu’on appelle « une forte femme », pour laquelle elle éprouvait au contraire une certaine admiration.

Le décès du père est pour la jeune narratrice l’occasion d’une prise de conscience, qui débouche sur une inversion totale des sentiments qu’elle éprouvait jusque-là pour ses parents. Sans faire soudain de son père un héros, elle comprend enfin combien sa mère fut le bourreau.

Jamais, depuis Vipère au poing, le best-seller de Hervé Bazin (1948), on n’avait lu un tel portait de mégère. Avec un réel talent narratif, Olivia Koudrine accumule les scènes de torture mentale infligée par la marâtre à son conjoint. Le procédé est si efficace que le lecteur prend vite fait et cause pour la victime, dont on est heureux d’apprendre, dans les dernières pages du roman, qu’il avait trouvé ailleurs une certaine consolation à son martyr…

On est d’autant plus porté par cette histoire qu’Olivia Koudrine la raconte avec un entrain et une énergie qui finissent par être contagieux. Son écriture délurée, qui n’hésite pas à recourir au langage parlé, à l’argot, au jargon des adolescents, n’est pas un simple bagout. Il y a là des trouvailles, une verve, un ton : peut-être même un style. Ce qu’on appelle, je crois, de la littérature.

« L’homme battu » de Olivia Koudrine, éditions le cherche midi. 250 pages, 18 euros.

#hommebattu, #oliviakoudrine, #violences_conjugales, #cherchemidi

Découvrez la 16 ème newsletter de La Revue pour l’Intelligence du monde : https://mailchi.mp/5097bcf485aa/newsletter-5533096

Pour vous inscrire à la newsletter : contact@larevue.info
Pour vous abonner à La Revue pour l’Intelligence du Monde : https://www.laboutiquejeuneafrique.com/…/categories/1539

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*