Enquête-débat : mieux vaut-il être noir en France ou aux Etats-Unis ? Avec RFI et France Amérique…

Ce dossier a été monté en partenariat avec RFI, France Amérique et La Revue pour l’intelligence du monde. – Il sera publié dans le numéro 93 qui sort à la fin de ce mois-ci-.

Ne manquez pas l’émission commune, Le Débat du jour, proposée le jeudi 29 avril de 19 h 30 à 20 heures sur RFI. Elle sera animée par Guillaume Naudin. Guénola Pellen, directrice de publication de France Amérique et Dominique Mataillet, membre du comité de La Revue pour l’Intelligence du monde, participeront à l’émission. – Vous pourrez également l’émission en podcast sur RFI -www.rfi.fr/fr/podcasts/debat-jour/- et sur le site de La Revue pour l’Intelligence du Monde.

Nous vous proposons dès à présent le témoignage de Jim Browski, un photographe professionnel américain qui a quitté les Etats-Unis, son pays natal, à l’âge de 21 ans. Aujourd’hui, plus que jamais, il suit de près le mouvement contre le racisme et les violences policières outre-atlantique, mais raconte aussi son expérience avec le racisme en France.

– Vous avez quitté les Etats-Unis il y a 10 ans. L’année 2020 a été particulièrement mouvementée avec la mort de Georges Floyd et d’autres et toutes les manifestations qui ont eu lieu. Comment avez-vous vécu cette situation depuis Paris ?

Jim Browski: Je suis parti il y a 10 ans et c’est comme si rien n’avait changé ! Il suffit aussi d’en parler avec les plus âgées pour s’en rendre compte. On continue de nous assassiner. Ça me rend très triste, je suis en colère. C’est frustrant parce qu’on fait tout pour changer les choses, mais rien ne bouge. On se bat contre un système qui ne veut pas changer ou sinon tout doucement”

– Vous êtes né, vous avez grandi à Philadelphie. A quoi ressemble le quotidien quand on est noir aux Etats-Unis ?

Jim Browski: “Dès le plus jeune âge, les parents, les familles ou les gens du quartier nous expliquent et nous disent: “ Ecoute, Tu es un homme noir dans un pays qui ne veut pas de toi. A chaque fois qu’il y aura un problème, c’est toi qu’on regardera en premier. Et tu peux te faire tuer”. Donc dès le plus jeune âge, on nous dit de faire attention, de toujours regarder autour de nous. Il y a beaucoup de pression parce qu’on doit constamment être en alerte.

Si on n’est pas à l’école ou dans le quartier, tout peut arriver. On peut nous signaler par erreur, nous accuser, appeler la police sans raison. C’est la peur permanente.”

– Ça fait 10 ans que vous vivez en Europe. 6 ans à Paris. Qu’est-ce qui a changé par rapport à cette vie aux Etats-Unis ?

Jim Browski: « Le principal changement c’est que j’ai le sentiment d’être un traître à ma propre race. Je m’explique: Quand vous êtes noir aux Etats-Unis, vous savez comment ça marche, ce qui peut arriver etc. Si vous êtes noir comme moi, à Paris, c’est différent. Quand on me voit, on voit d’abord un homme noir, mais dès que j’ouvre la bouche, je deviens le noir américain. On me voit moins comme un danger, plus comme un touriste ou quelqu’un qui apporte de l’argent.

Je suis toujours discriminé, ne vous méprenez pas, on me regarde toujours comme un noir, mais un noir américain. C’est un peu mieux !”

– Ça change vraiment à ce point quand on se rend compte que vous êtes américain ?

Jim Browski: “Oui, on peut littéralement voir le changement de comportement des gens quand ils se rendent compte qu’on est Américain. C’est fou ! (rires) Par exemple, quand j’entre dans un magasin et s’il y a un noir français devant moi. Il est surveillé, l’agent de sécurité est déjà en train de lui poser des questions parfois de façon agressive. Mais pour moi, ils se disent “Oh, un américain”, et j’ai limite droit au tapis rouge.

Vous savez, parfois j’entre dans un magasin. Je fais comme si je ne comprenais pas le français et je les entend dire “C’est bon, c’est un Américain” ou “Touriste”. Et c’est fou de voir ça, parce que la personne devant moi me ressemble, mais on nous traite différemment.

« A Paris, je n’ai pas peur que les policiers sortent leurs armes. »

L’autre chose qui a changé depuis que je suis en France, c’est que j’ai beaucoup moins peur de me faire tirer dessus. Aux Etats-Unis, se retrouver dans le mauvais quartier au mauvais moment peut vous coûter la vie, on peut appeler la police contre vous. A Paris, ça ne se passe pas comme ça. Ici, les policiers me regardent, ils peuvent me poser des questions, mais je n’ai pas du tout peur qu’ils sortent leurs armes.

– Quand on parle comme ça des Etats-Unis et de la France, beaucoup de gens estiment que ce n’est pas du tout la même situation. Qu’est-ce que vous en pensez ?

Jim Browski: “Premièrement, pour moi, c’est exactement la même chose ! On parle d’oppression. Et des gens sont opprimés ici, en France ET aux Etats-Unis. La grande différence ici, et c’est quelque chose que j’ai beaucoup de mal à comprendre, c’est que quand on commence à parler de ces sujets, les Français répondent souvent: “On ne fait pas la différence entre les couleurs, et donc il n’y a pas de racisme”.

Je n’ai pas grandi en France, donc je comprends que parler de race ne se fait pas ici. Mais je pense que ça fait partie du problème. C’est très facile d’ignorer le problème quand on n’en parle pas.

Je vis dans ce pays et je ne veux pas trop critiquer (rires), mais il y a une culture ici de pointer les autres pays du doigt, et de dire “Oui, oui, on a quelques soucis ici, mais c’est rien, regardez ce pays et cet autre là”. C’est trop facile parce qu’au final, vous ignorez vos propres problèmes et rien ne change.

Donc oui, il reste encore beaucoup de choses à régler aux Etats-Unis, mais ça ne veut pas dire que ce n’est pas le cas ici aussi.”

Interview Loubna Anaki (RFi New York)

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