Numéro 94 de la Revue pour l’intelligence du Monde : le monde selon Béchir Ben Yahmed

Béchir Ben Yahmed, le fondateur de La Revue pour l’Intelligence du Monde et du groupe Jeune Afrique nous a quittés le 3 mai dernier à l’âge de 93 ans. Les hommages ont été unanimes pour saluer la mémoire de cet homme hors du commun.

Le numéro 94 de La Revue pour l’Intelligence du Monde qui sort ce 30 juin dans les kiosques et dans les librairies – n’hésitez pas à le commander si vous ne le trouvez pas-, lui est consacré. Il a pour thème, le monde selon Béchir Ben Yahmed.

Les membres du comité éditorial ont sélectionné et commenté ses éditoriaux les plus visionnaires – et ils ont été très nombreux dans bien des domaines : -. En témoigne cette vision que Béchir Ben Yahmed exprimait dès novembre 2016 dans son éditorial de La Revue sur la révolution à venir de la voiture électrique dans le monde entier. Nous republions intégralement son texte.

Découvrez vite la suite des éditoriaux d’un grand homme de presse connu pour ses célèbres convictions : « ce que je crois. »

Notons que ses mémoires seront publiées le 3 novembre prochain aux éditions du Rocher. Elles ont pour titre : « j’assume ».

Achetez vite ce numéro, et faites le découvrir autour de vous.

L’heure de la voiture électrique

Disruptive technology

« Sans hésiter, je saisis la possibilité qui s’offre à moi de donner aux lecteurs de La Revue la primeur d’une information que je crois importante, voire explosive : nous pourrions être à la veille d’une révolution technologique qui transformerait notre vie quotidienne et même les équilibres économiques de la planète. Le rapport de vingt-deux pages qui nous la livre est en anglais et a pour titre Disruptive technology : batteries. Il a été publié à la mi-octobre, mais n’a pas retenu l’attention de mes confrères.

Il porte pourtant la signature de Fitch, l’une des trois grandes agences de notation les plus connues (1).

Rédigé par Alex Griffiths, l’un des directeurs de Fitch Group, et six autres experts, il nous annonce que nous sommes à l’aube d’une grande révolution technologique qui ouvrira devant nous, dès qu’elle sera accomplie, des perspectives extraordinaires.

Le titre du rapport, Disruptive technology, dit bien qu’il s’agit d’un progrès technologique perturbateur, susceptible de bouleverser un ordre établi depuis près d’un siècle.

Je vous donne un résumé de ce que M. Griffiths et ses collègues estiment appelé à se réaliser dans les cinq à dix prochaines années, autant dire demain.

Ils sont tellement sûrs de l’imminence et de l’inéluctabilité de cette évolution qu’ils nous conjurent de nous y préparer. « Certes, il ne s’agit pour le moment que d’une forte probabilité, des retards sont encore possibles, conviennent-ils. Mais nous devons être prêts à absorber les bouleversements que cette évolution technologique apportera. »

Selon ces experts, la technologie des batteries (de voitures électriques et autres usages) a fait d’énormes progrès grâce à la qualité des chercheurs et à l’importance des investissements consentis, en particulier par Tesla, Nissan et BMW.

Nous avons appris à stocker l’énergie dans des batteries qui permettent de parcourir des distances de plus en plus grandes et dont le coût de fabrication, qui plus est, a baissé et continue de baisser à une allure vertigineuse.

Nous sommes très proches du stade où la voiture électrique ne sera pas plus chère que la voiture à essence. La première n’aura donc plus besoin d’être subventionnée ; son autonomie, les moyens et le temps requis pour recharger ne seront bientôt plus des problèmes ou des freins à sa généralisation.

Les voitures électriques produites et vendues dans le monde à ce jour sont de l’ordre du million d’unités, soit un millième seulement du parc automobile.

Mais les derniers progrès technologiques relatifs aux batteries et l’évolution favorable de leur coût de production vont permettre de passer, en quelques années, de la voiture à essence à la voiture électrique.

On n’aura vendu en 2016 que cinq cent mille voitures électriques, mais l’augmentation sera exponentielle. Et l’on peut escompter que ce nombre sera porté à 50 millions par an avant 2025.

Vous avez bien lu : 50 millions de voitures électriques par an. Soit cent fois plus qu’en 2016.

On y arrivera dans moins de dix ans. Et la production des voitures électriques représentera alors la moitié de la production mondiale de voitures.

Un grand pays comme la Chine, imité par d’autres pays émergents, en viendra logiquement à décréter, dans les années qui viennent, qu’il ne veut plus de voitures à essence, ni produites dans le pays ni importées.

Et pourquoi continuerait-on à polluer la planète par les moteurs à essence dès lors que la nouvelle génération de batteries permet de généraliser le moteur électrique à un prix compétitif ?

Le rapport Fitch examine les conséquences mondiales d’une telle évolution en partant de cette donnée : les voitures et les autres moyens de transport utilisent 55 % du pétrole produit.

Les conséquences d’une révolution de cette importance et de cette rapidité, le passage du moteur à essence, qui a régné pendant près d’un siècle, au moteur électrique donnent le vertige : les grandes sociétés pétrolières, les pays exportateurs en seront gravement affectés.

Ils ont donc pour « ardente obligation » de se préparer à la reconversion qu’exige cet énorme changement.

Faire l’autruche, enfoncer la tête dans le sable serait suicidaire.

Les pétroliers ont bien entendu pris connaissance du rapport Fitch dès sa parution et leur réaction ne s’est pas fait attendre.

« C’est alarmiste et excessif », disent-ils en substance, avant d’ajouter :

Les cinq cent mille voitures électriques vendues en 2016 ? Moins d’une sur cent des automobiles vendues dans l’année, et à supposer même que l’électrique en arrive en cinq ou dix ans à représenter une voiture sur deux, les pays et les sociétés qui produisent et vendent du pétrole seraient peu affectés, car la population aura augmenté et ses besoins se seront développés.

Le passage à l’électrique, la transition vers les énergies renouvelables ne se feront certainement pas en une, mais en plusieurs décennies.

Les pétroliers ont donc largement le temps de s’adapter et ceux qui se préoccupent du réchauffement climatique devront patienter.

À chacun d’entre nous de peser les arguments des uns et des autres, et de tirer les conclusions qui s’imposent.

Je pense, pour ma part, que les experts de Fitch ont raison de prévoir que le moteur électrique a toutes les chances de gagner beaucoup de terrain dans les dix ans à venir. Mais, pour autant et malheureusement, il ne détrônera ni le roi pétrole ni le moteur à essence avant deux ou trois décennies.

Il s’agit néanmoins d’une révolution : elle est en cours de produire ses effets qui seront immenses.

(1) : Les deux autres agences encore plus célèbres sont Standard & Poor’s et Moody’s.

Le commentaire d’Olivier Marbot

Patron de presse et journaliste, Béchir Ben Yahmed n’avait, c’est un euphémisme, aucun goût pour cette rubrique, pourtant classique dans les journaux du monde entier, qui s’intitule généralement « Société ». « Société, ça ne veut rien dire ! », tempêtait-il quand nous lui expliquions nos difficultés à placer dans le journal certains papiers qui n’étaient ni politiques, ni économiques, ni culturels.

Cette position s’est très longtemps reflétée dans le sommaire de La Revue, qui a, au fil du temps, intégré des rubriques « Science », « Santé », voire « Art de vivre », mais où une vraie rubrique dite « Société » n’est apparue que très tardivement, le patron ne concédant cette concession à ses collaborateurs que du bout des lèvres. De guerre lasse.

BBY, pourtant, se passionnait pour certains mouvements qu’on peut qualifier de « sociétaux ». La démographie et la façon dont elle modelait les rapports de force entre les différentes parties du monde le fascinait. La santé également, qu’il s’agisse des ravages de maladies comme le paludisme, des avancées scientifiques ou technologiques en la matière ou des traitements des effets de l’âge. La longévité, d’ailleurs, était une question qui l’inspirait, sans doute pour partie parce que lui-même se voyait avancer en âge. Il aimait particulièrement l’idée que certaines personnalités importantes avaient un parcours qui se trouvait à cheval sur deux siècles, et nous incitait à dresser le portrait de ces influents aînés.

Il n’est pas anodin, enfin, de terminer ce recueil d’éditoriaux par l’un de ceux qu’il consacra à la voiture électrique. Le sujet le passionnait, tout comme les hommes qui l’incarnaient, au premier rang desquels Elon Musk. Parce que pour BBY, derrière chaque réalisation, il y avait toujours, d’abord et avant tout, un homme ou une femme riche de qualités exceptionnelles. Un individu plutôt qu’une « société ».

L’hommage de Frédéric Mitterrand

Emission spéciale Le débat du jour sur RFI. Diffusé le mercredi 23 juin dernier. Avec les participations de Lakhdar Brahimi – diplomate et homme politique algérien- François Soudan – Directeur de la rédaction de Jeune Afrique, Joséphine Dedet – rédactrice en chef adjointe de Jeune Afrique- et Jean-Louis Gouraud – conseiller éditorial de La Revue –

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