Michel Le Bris : son dernier long voyage

Les étonnants voyageurs du monde entier sont orphelins. Michel Le Bris n’est plus. Il s’est éteint des suites d’une longue maladie à l’âge de 77 ans dans les bras de sa femme Eliane et à côté de sa fille Mélani. Tour à tour journaliste, producteur, éditeur, spécialiste de Stevenson, passionné par les pirates, son nom restera à jamais attaché au festival de littérature Etonnants Voyageurs de Saint-Malo qu’il avait créé, élargi ensuite à l’image. Il aurait dû fêter en 2020 sa trentième édition. Avec ses équipes, il a développé des éditions dans plusieurs régions du monde : à Bamako, Sarajevo, Haïfa, Brazzaville, Missoula (Montana) et à Port-au-Prince.

Toute sa vie, Michel Le Bris a défendu « une littérature de plein vent », « une littérature voyageuse, aventureuse, ouverte sur le monde, soucieuse de le dire ».

Il était né de père inconnu, à Plougasnou dans le Finistère, le 1er février 1944. D’Hugo à Tolkien en passant par Guillevic, il doit tout aux livres. Issu, dans une famille pauvre, repéré et encouragé par ses instituteurs, il était sorti brillamment diplômé de HEC – refusant de faire Normal Supérieure- en 1967, année où il devient rédacteur en chef de la revue Jazz Hot en même temps qu’il participe aux débuts du Magazine littéraire, aux côtés de Jean-Jacques Brochier. Très engagé à gauche, marqué par mai 68, il prend la direction du journal La Cause du peuple et remplace Jean-Pierre Le Dantec, condamné à la prison. Quelques mois, plus tard, il le rejoint à son tour derrière les barreaux. Une campagne s’organise pour demander la libération de « Le Bris et Le Dantec. » Jean-Paul Sartre, succède aux deux Bretons. Michel Le Bris participe alors activement à la création du journal Libération, en 1973 avant de se lancer dans une nouvelle aventure avec Jean-Paul Sartre et Jean-Pierre Le Dantec : l’édition. Ils créent une collection de livres de reportages, « La France sauvage », successivement accueillie par Gallimard et par Les Presses d’aujourd’hui. Michel Le Bris a la bougeotte professionnelle : il officie, tour à tour, chez Payot, Phébus, Flammarion, où il crée la collection « Gulliver », puis chez Hoëbeke, point de départ des Etonnants voyageurs. Son premier livre remarqué L’Homme aux semelles de vent, sort en 1977 chez Grasset.

Il avait été finaliste malheureux en 2008 du Prix Goncourt pour son roman La beauté du monde. Michel Le Bris s’était raconté dans Nous ne sommes pas d’ici, son autobiographie parue en 2009. Son dernier livre, date de 2017, il s’agit d’un roman « Kong » qu’il avait publié chez Grasset. En 2019, Michel Le Bris avait reçu « pour l’amour des livres et l’ensemble de son oeuvre » le grand prix de littérature Henri Gal, prix littéraire de l’institut de France sur proposition de l’Académie française. On retiendra aussi la biographe qu’il avait consacrée à son cher Stevenson. (Flammarion, 2000).

Sa famille dans un communiqué indique, « Fidèle à sa volonté et fort de son éternel enthousiasme, le festival Etonnants Voyageurs vivra, car, comme Michel l’insufflait à chacun, nous sommes plus grands que nous ! ».

« Nous vivons des temps de grandes incertitudes où il nous semble que le sens même de l’humain se trouve en péril : dans la puissance du poème, de la fiction, se trouve, je crois, une réponse », avait-il confié peu avant de partir pour un nouveau voyage.

N.P

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