Villes africaines : l’enjeu du siècle.

« L’urbanisation, c’est la dynamique principale de l’Afrique aujourd’hui, celle qui est au centre de tout. » L’orateur sourit, mais son ton est grave. Nous sommes au Sommet Africités, grande rencontre panafricaine des élus locaux (maires, présidents de régions ou de départements…) qui se réunit tous les trois ans.

L’édition 2018 s’est tenue fin novembre à Marrakech, au Maroc et, si elle a été l’occasion de discussions très variée, elle a surtout mis en avant les grandes questions que pose l’explosion démographique africaine. Essentiellement dans les villes comme l’a souligné Laurent Brossard, directeur du Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest au sein de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économique).

Ce même Laurent Bossard, celui-là même qui insistait sur l’importance de l’urbanisation, était à Marrakech pour présenter un nouvel outil statistique. Un site internet, en fait, dont l’accès est totalement libre et gratuit : africapolis.org. On y trouve, et c’est tout à fait inédit, des données démographiques sur toutes les agglomérations de plus de 10 000 habitants qui existent en Afrique. « Agglomérations » et pas forcément « villes » car, souvent, la situation sur le terrain ne correspond pas aux données collectées lors des recensements ou aux limites géographiques et administratives des municipalités. « Ce qui se passe dans beaucoup de pays, explique l’économiste Philipp Heinrigs, co-développeur du site, c’est le contraire d’un exode rural : certaines zones rurales proches de grandes villes se densifient, se rejoignent et finissent par se transformer en agglomérations ».

Le site se base donc sur des images satellites et les statisticiens considèrent que, dès lors que deux bâtiments sont séparés de moins de 200 m, ils appartiennent à la même agglomération. Ce qui, estime l’OCDE, permet de proposer un tableau plus proche de la réalité. « C’est important parce que si les élus africains réfléchissent à partir de données biaisées, poursuit Laurent Bossard, la prise de décision politique risque d’être faussée. Par exemple en axant tout l’effort sur les zones urbaines alors que c’est dans certaines zones officiellement considérées comme rurales que l’explosion démographique est aujourd’hui la plus rapide. Ou en réalisant des liaisons routières mal dimensionnées parce que les populations qui vont les emprunter ont été mal évaluées. »

La consultation du site africapolis.org, en tout cas, captive et fascine. Elle permet de comparer des villes et des pays et les chiffres sont parfois surprenants. Qui connaît, par exemple, les cinq villes les plus peuplées d’Afrique ? Certains citeront, avec raison, Kinshasa, Lagos, Johannesburg et Le Caire. Mais qui aurait pensé à la nigériane Onitsha, la troisième cité la plus peuplée du continent avec 8,5 millions d’habitants ? L’accroissement démographique y est récent et dépasse les « frontières » administratives. Et pourtant, Onitsha est, et sera de plus en plus, l’une des mégalopoles les plus importantes du continent.

Olivier Marbot.

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