Suède et Maroc : retour du service militaire.

 

Pour la Suède il s’agissait de faire face à la tension grandissante en mer Baltique. Pour le Maroc, une façon d’encadrer une jeunesse oubliée du développement. Bonnes ou mauvaises raisons, la question du rétablissement du service militaire obligatoire s’avère complexe et divise.

Le passé guerrier de la Suède, marqué en particulier par la conquête de la Finlande au Moyen-Age et la participation active du pays à la guerre de Trente Ans au 17e siècle, s’est interrompu pendant quelques deux cents ans avec la fin des guerres napoléoniennes. Sa politique de neutralité, proche de celle de la Suisse, l’a tenue à l’écart des deux guerres mondiales. Son armée, puissante et bien organisée, a dissuadé tout agresseur de l’attaquer. Membre de l’ONU dès 1946 et de l’Union Européenne depuis 1995, la Suède pourrait invoquer sa neutralité pour refuser de participer aux opérations de la paix organisées par l’ONU et l’UE. Elle ne le fait pourtant pas: elle n’a pas hésité à envoyer ses troupes en Afghanistan et au Kosovo sous la bannière de l’ONU et elle participe à toutes les opérations de maintien de la paix parrainées par l’UE en Afrique.

Le passé guerrier du Maroc est au moins aussi riche que celui de la Suède. La bataille des Trois Rois vit, en 1548, l’écrasement des forces portugaises du jeune roi Sébastien et de son allié un ancien roi du Maroc ; la bataille d’Isly, en août 1844, fut moins favorable aux troupes marocaines venues à la frontière algérienne tenter d’empêcher la conquête de l’Algérie par les Français : elles furent battues par les troupes du maréchal Bugeaud. Ensuite les armées royales chérifiennes furent engagées sur de multiples fronts contre les armées françaises, espagnoles ou algériennes (guerre des sables de 1963). A l’extérieur elles furent engagées au Golan contre Israël, en Somalie et au Kosovo.

Constatant avec satisfaction la baisse des tensions internationales le Maroc, en 2006, et la Suède, en 2010, ont supprimé le service militaire obligatoire et confié leur défense militaire à leurs seules armées professionnelles. Or, voici que ces deux pays viennent de décider de relancer leur service militaire. La décision prise, en 2017, par le gouvernement suédois est officiellement motivée par le regain de la menace russe concrétisée par les conquêtes territoriales en Ossétie et en Ukraine ; elle vient aussi du fait que les engagements dans l’armée professionnelle étaient franchement insuffisants.

Les motivations du gouvernement marocain, qui vont être précisées ces prochaines semaines au cours d’un débat au Parlement, ne sont jusqu’à présent pas vraiment militaires : il s’agit surtout d’améliorer l’insertion des jeunes dans la vie sociale et professionnelle.

Les différences entre les deux pays ne s’arrêtent pas là. En Suède, les conscrits sont actuellement sélectionnés parmi les volontaires des deux sexes ; ils se révèlent assez nombreux car ils sont défrayés de toute dépense et assez bien payés (l’équivalent de 450€/mois et la même somme multipliée par le nombre de mois de service en une seule fois à la fin de leur engagement). D’aucuns pourraient considérer que ce service militaire d’un an, limité actuellement à quelques 5000 conscrits par an, est en fait une forme d’engagement très court. Au Maroc les conditions ne sont pas encore précises, gageons toutefois qu’elles seront moins généreuses financièrement et sans doute plus contraignantes avec, officiellement au moins, un côté obligatoire plus net. En fait, il est probable que les autorités marocaines ne pourront pas organiser rapidement un service obligatoire pour tous. Il faudra au minimum prévoir une longue période de montée en puissance du système où il faudra bien attirer d’abord des volontaires en nombre assez limité.

Il n’y a guère qu’une certitude : en Suède, comme au Maroc, comme en France il est facile de supprimer un service militaire obligatoire. Mais, quelques années plus tard, il est plus difficile de le rétablir.

Beaucoup plus difficile !

Etienne Copel.

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