Mon Mai 68

Après le Mai 68 du gastronome, voici celui de l’aviateur. Qui était déjà militaire, mais aussi étudiant. Alors, que faisait le futur général Copel lors du printemps des barricades ? La réponse ci-dessous :

A un moment  où, sans moyens de transport, les Français étaient pour la plupart bloqués dans leur ville, voire dans leur quartier, j’avais la chance de jouir d’une mobilité peu commune . En effet, à cette époque j’étais, en même temps, officier supérieur et étudiant. Mon affectation à l’Inspection de l’armée de l’air me donnait l’occasion  d’aller souvent en province. J’avais un petit avion de liaison à réaction – le «  Paris  »-  à peu près à ma disposition et j’en profitais largement pour prendre le pouls des unités loin du chaudron parisien. A Paris, je terminais une maitrise de Droit à la fac d’Assas  Avec ma carte d’étudiant, j’avais accès aux amphis occupés, à l’Odéon… et puis quand la présence policière risquait de gêner mes déplacements, quand j’avais envie de changer de trottoir, j’avais toujours ma carte d’officier!

Je pouvais aller partout mais  ne me sentais à l’aise nulle part. Tout le monde avait des idées nettement trop tranchées pour mon goût. La grande majorité des étudiants manifestait un antigaullisme primaire qui me hérissait. Leur méconnaissance des actions passées du Président, comme leur refus de regarder les réalités économiques du jour me navraient. Mais je leur reconnaissais un fond d’altruisme qui n’allait pas sans me rappeler certains textes des évangiles ou de Marx ! Et puis, j’aimais encore moins les excités de droite – nombreux à Assas – qui ne rêvaient que de casser du «  gaucho  ». Les pires étant les cathos extrémistes qui, eux,avaient manifestement complètement oublié les enseignements du Galiléen. 

Au sein de l’Armée de l’air, comme chez nos amis, les sentiments qui prévalaient étaient l’incompréhension, l’impuissance, la colère, voire la haine… et même le désespoir quand le 29 mai de Gaulle a disparu. A vrai dire nous avions bien du mal à imaginer une issue heureuse, tant la « chienlit » gagnait du terrain.

Et puis vint le retour du général de Baden et son intervention radio à 16h00. En quelques minutes, la donne commence à changer. D’abord, le « Général » est là. Faisant mentir tous ceux qui l’avaient imaginé abandonner sa tâche. Lâcher son pays ! En outre, ce jour-là, en annonçant la dissolution de l’Assemblée nationale et de nouvelles élections, de Gaulle a su trouver le ton juste. Sa diatribe contre ceux qui empêchent les « étudiants d’étudier, les enseignants d’enseigner, les travailleurs de travailler » reste totalement présente dans ma mémoire.

Aujourd’hui, malgré les années passées,  j’ai bien du mal à évaluer le bilan des évènements tant les plus et les moins s’enchevêtrent. Au fond, je n’ai qu’une idée vraiment générale : heureux ceux qui peuvent ne pas rester enfermés dans un monde où tous pensent de la même façon !

Etienne Copel

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