La Tunisie face aux démons terroristes

Après les années noires de 2012 à 2015, qui ont enregistré les attentats les plus sanglants ayant coûté la vie à des dizaines de policiers et de militaires ainsi qu’à des citoyens et des touristes étrangers, les autorités tunisiennes ont réussi à reprendre l’initiative en anticipant les attaques. 

Il était midi passé, ce lundi 29 octobre, quand un grand bruit retentit en plein centre-ville de la capitale tunisienne. Une femme s’est faite exploser tout près d’une voiture de police stationnée sur les lieux.  La trentaine, diplômée de l’université, encore célibataire, elle a débarqué à Tunis de son patelin de l’intérieur pour accomplir son acte. Elle est morte sur le coup, mais sans faire de victimes. Une quinzaine de personnes dont dix policiers ont été, plus ou moins, légèrement blessées.

Cet attentat, qui a créé une onde de choc, est très symbolique à plus d’un titre. C’est la première fois qu’une femme kamikaze commet un attentat terroriste sur le territoire tunisien, et de surcroit, dans l’artère principale qui porte le nom du père fondateur de la nation Habib Bourguiba, très fréquentée et bien quadrillée par les unités sécuritaires. A quelques mètres du siège du ministère de l’intérieur. Il est venu rappeler aux Tunisiens que le terrorisme est toujours présent et qu’il peut frapper à tout moment, n’importe où, même dans les lieux symboliques les plus gardés.

Se trouvant à Berlin où il participe à la conférence « G20- Compact with Africa » (CwA), le président tunisien Béji Caid Essebsi a eu cette réaction : «Nous pensions avoir éliminé le terrorisme mais la vérité c’est que j’espère que le terrorisme ne nous achèvera pas ». Connu pour ses piques, il a envoyé un message à qui veut l’entendre : l’attentat est un loupé des services de renseignements et partant du chef du gouvernement en personne qui a limogé l’ancien ministre de l’intérieur, contre la volonté du chef de l’Etat pour le remplacer par l’un de ses proches.C’est aussi un message adressé à son allié, le mouvement Ennahdha, accusé ces derniers temps par le Front populaire (un mouvement de gauche), d’être impliqué dans l’assassinat des deux hommes politiques Chokri Belaid, le février 2013, et Mohamed Brahmi, le 25 juillet de la même année. Deux crimes toujours non élucidés et qui demeurent un véritable mystère.

Quid des revenants ?

La Tunisie qui demeure toujours exposée aux menaces terroristes, doit, également, faire face au retour d’un contingent de combattants djihadistes partis depuis 2011 dans les zones de conflits, notamment en Syrie et en Irak. Leur nombre est estimé à quelque 3.000 par les autorités tunisiennes, beaucoup plus, 5.000, par les organisations onusiennes. La Constitution de janvier 2014, interdit « d’empêcher un citoyen de revenir dans son pays », ou « d’être déchu de la nationalité tunisienne », fut-il un terroriste notoire. Seul un chiffre a jusque-là été avancé à propos des revenants : 800 au total. Les autorités demeurent très avares en informations sur cette question. Tout ce qu’on sait c’est que certains parmi les revenants sont déférés devant le pôle antiterroriste et mis en prison en attendant leur comparution devant le tribunal. Alors que d’autres, ont été laissés en libertés mais soumis à une surveillance policière. 

L’Etat a mis en place une Commission nationale de lutte contre le terrorisme. Elle travaille en collaboration avec les ministères et les organisations de la société civile concernés pour prévenir les menaces terroristes.  De son côté, le parlement a formé, en février 2017, une commission d’enquête sur les filières de recrutement des jeunes tunisiens dans les organisations terroristes. Certains de ses membres sont même partis en Syrie pour enquêter sur place. Ils ont rencontré de hauts responsables syriens, dont le président Bachar Al Assad, et ont parlé à des jeunes tunisiens dans les prisons syriennes. Mais sans résultats tangibles.  La commission a même été mise en berne.

Après les années noires de 2012 à 2015, qui ont enregistré les attentats les plus sanglants ayant coûté la vie à des dizaines de policiers et de militaires ainsi qu’à des citoyens et des touristes étrangers, les autorités tunisiennes ont réussi à reprendre l’initiative en anticipant les attaques. Plusieurs terroristes, dont des chefs connus, ont été abattus par l’armée et les forces spéciales. Elles coordonnent avec les services des pays voisins et notamment l’Algérie et la France pour se prémunir d’éventuels attentats sur son territoire. Mais est-ce suffisant ? Car face à la menace terroriste, il n’y a pas de place pour les tiraillements, ni pour les clivages partisans, encore moins pour les excès et les surenchères.

Brahim Oueslati 

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