Des « gilets rouges » à la tunisienne.

Qualifié de pure « singerie » par certains observateurs, le mouvement des gilets rouges est accusé d’avoir d’autres desseins que ceux annoncés : descendre le gouvernement par la rue.

Le mouvement des « gilets jaunes » en France a fait tache d’huile au-delà des frontières de l’Hexagone et a inspiré divers mouvements de protestation en Europe et dans le monde.

De l’autre côté de la Méditerranée, en Tunisie plus précisément, des gilets, rouges pourpres, cette fois-ci, ont fait leur apparition et ont annoncé des mouvements de protestations dans tout le pays à partir de lundi 17 décembre, date qui coïncide avec le déclenchement de ce qui est appelée « révolution » en 2011.

Au cours d’une conférence de presse tenue vendredi dernier, les initiateurs de ce mouvement ont appelé les Tunisiens à exprimer leur mécontentement face aux difficultés sociales et économiques et au bilan du gouvernement jugé catastrophique. Le collectif qui se dit apolitique, est composé d’activistes de tous bords. Il a plus d’une cinquantaine de coordinations locales et une dizaine au niveau des principales régions connues pour leur fronde. Une liste de 22 revendications a été présentée au cours de la conférence de presse, se rapportant notamment au développement, à l’amélioration du pouvoir d’achat, la baisse des prix des carburants et des impôts, la justice sociale… Mais aussi au changement du régime politique actuel, un régime semi parlementaire, cause de tous les maux du pays selon le collectif, par un régime présidentiel. « Le gouvernement et toute la classe politique ont échoué. A la chute de Ben Ali en 2011, le peuple a réclamé la justice sociale, la liberté et la dignité. Rien n’a été fait de tout cela », explique l’un des membres du collectif.

Ce mouvement est apparu à un moment jugé crucial pour la Tunisie. Le gouvernement fait, en effet, face à une grogne sociale et à la montée de revendications des différents secteurs d’activités encadrés par la puissante centrale syndicale, l’Union Générale des travailleurs Tunisiens(UGTT). Une grève générale a été organisée le 22 novembre dernier dans la fonction publique et une deuxième est annoncée pour le 17 janvier prochain. En même temps, on a assisté à un véritable bras de fer entre le ministère de l’éducation et la fédération des enseignants du secondaire qui ont boycotté les examens du premier trimestre. La loi des finances adoptée par le Parlement, le 10 décembre dernier, est contestée par plusieurs corporations dont l’ordre des avocats qui a trouvé soutien auprès du Président de la république. Ce dernier, avocat de son état, a, au cours d’une rencontre avec le bâtonnier, exprimé son rejet d’un article de la LDF, relatif à la levée du secret professionnel dans certains cas précis, qu’il a jugé anticonstitutionnel.

De son côté, l’opposition a clairement exprimé son rejet de la loi de Finances 2019 qui, selon le secrétaire général du « Parti du Peuple », Zouhaier Maghzaoui, constitue une « honte » et elle a été « conçue pour servir quelques familles mafieuses au détriment du peuple, de sa force et de son pouvoir d’achat ». Le secrétaire général du Parti Républicain, Issam Chebbi, a carrément appelé « le peuple à descendre dans la rue pour rétablir l’équilibre des forces ». Même le parti présidentiel, Nidaa Tounes(Appel de la Tunisie), en rupture de ban avec le chef du gouvernement pourtant issu de ses rangs, fustige la LDF et accuse le gouvernement de mener une fausse guerre contre la corruption.

Mais ce mouvement des gilets rouges, n’est pas anodin, selon les partis de la Coalition au pouvoir. Le secrétaire général du Projet de la Tunisie, représenté au sein du gouvernement, Mohsen Marzouk, a souligné que « descendre dans les rues et manifester est un droit légitime, sauf qu’il vaudrait mieux proposer des solutions. L’affaire des gilets rouges est claire si on se réfère aux gens qui se tiennent derrière ce mouvement. Il s’agit d’un règlement de comptes politiques et ça n’a aucun rapport avec le mouvement des gilets jaunes déclenché en France ». Entendre « règlements de comptes » entre le chef de l’Etat et le chef du gouvernement. Le premier cherche depuis l’année dernière à débarquer le second, sans y arriver par les mécanismes constitutionnels.

Qualifié de pure « singerie » par certains observateurs, le mouvement des gilets rouges est accusé d’avoir d’autres desseins que ceux annoncés : descendre le gouvernement par la rue. Le fait d’appeler à l’instauration du régime présidentiel n’est pas innocent. D’ailleurs, un autre mouvement appelé cette fois-ci « gilets bleus » est apparu, sur les réseaux sociaux, pour contrer les rouges. Le bleu de chauffe, synonyme de travail, alors que le rouge exprime pour eux, l’anarchie.

Brahim Oueslati.

 

 

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