Afrique – La tentation dynastique

Depuis des décennies, le continent s’en remet à la filiation. Fils de, frère de… comment se bâtissent les dynasties politiques en Afrique ? 

Au Togo, la tension monte à la veille des élections législatives du 20 décembre et, comme à chaque scrutin, on craint du grabuge. Il faut un événement de cet ordre pour que l’on parle de ce petit pays (environ 57 000 km2, quelque 8 millions d ‘habitants) d’Afrique de l’Ouest. L’une de ses particularités est d’être dirigé par la même famille depuis cinquante ans. À la mort de Gnassingbé Eyadama, chef de l’État de 1967 à 2005, lui a en effet succédé son fils Faure Gnassingbé.

Plus au sud, le Gabon a vécu le même scénario en 2009. Après le décès d’Omar Bongo Ondimba, au pouvoir lui aussi depuis 1967, son fils Ali s’est fait élire à la présidence.

Dans les deux cas, les nouveaux chefs d’État ont bénéficié des structures et des réseaux mis en place par leur géniteur pour se hisser, de façon plus ou moins démocratique, à la tête du pays. Non loin de là, Joseph Kabila a pris les commandes de la République démocratique du Congo après l’assassinat de son père, Laurent-Désiré, en janvier 2001.

D’un bout à l’autre de l’Afrique, la tentation dynastique est permanente. L’actuel chef de l’État du Kenya, Uhuru Kenyatta, élu en 2013, n’est autre que le fils de Jomo Kenyatta, premier président du pays de 1964 à 1978.

Usé par près de quarante années de pouvoir – absolu-, le président de la Guinée équatoriale Teodoro Obiang Nguema Mbasogo semble sur le point de s’effacer au profit de son fils Teodorin, dont il a déjà fait son vice-président en 2016. Le passage de témoin pourrait, dit-on, se faire en 2019.

Au Sénégal, Abdoulaye Wade comptait faire de son fils Karim son successeur. Sa défaite à la présidentielle de 2012 a mis fin à ce projet. Aujourd’hui encore, il souhaiterait voir Karim accéder à la tête du pays. Sauf que ce dernier, après le départ de Wade père, a eu maille à partir avec la justice de son pays, et, du fait de ses condamnations, ne semble pas en mesure à se présenter au scrutin de 2019.

On a prêté des intentions du même ordre à Béji Caïd Essebsi, président de la République tunisienne depuis 2014. Bien qu’il se soit défendu de vouloir faire de son fils Hafedh son dauphin, il l’a mis sur orbite en lui laissant prendre les commandes de Nidaa Tounes, le parti qu’il a fondé et qui l’a conduit à la victoire électorale.

Certes, le phénomène dynastique n’est pas propre à l’Afrique. En Inde, au Pakistan, en Argentine, en Corée (du Sud comme du Nord), aux Philippines, entre autres, le pouvoir a été à un moment ou un autre transmis au sein d’une même famille. Dans la quasi-totalité des cas, il a échu à l’épouse ou la fille d’un président défunt. Alors qu’en Afrique la transmission se fait ou s’envisage de père à fils.

On rétorquera également qu’aux États-Unis deux Bush ont accédé à la présidence au cours des dernières décennies. Oui, mais il s’est passé huit ans entre la fin du mandat de George H.W., en 1992, et le début de celui de son fils George W. et les scrutins ont été à chaque fois incontestablement démocratiques (on ne peut pas en dire autant pour ce qui concerne le cas kényan cité précédemment).

Pour revenir à l’Afrique, les choses ne se passent pas toujours comme prévu. Dans les années 2000, Gamal Moubarak passait pour le successeur désigné de son père Hosni. La révolution égyptienne de 2011 en a décidé autrement. Moubarak fils, qui était plus un affairiste qu’autre chose, va aujourd’hui de procès en procès. Non loin de là, en Libye, beaucoup imaginaient à la même époque Seif al-Islam Kaddafi se voir confier les rênes du pays par son père. On ne saura jamais si Mouammar Kaddafi, assassiné par des opposants en octobre 2011, y songeait sérieusement.

Affaibli par la maladie, Abdelaziz Bouteflika, élu pour la première fois à la présidence algérienne en 1999, se représentera-t-il en 2019 ? On ne peut pas le soupçonner de vouloir laisser le pouvoir à l’un de ses enfants. Il n’en a pas. Mais il a des frères, dont l’un, Saïd, joue un rôle important à ses côtés. Certains ont avancé qu’il se verrait bien prendre le relais….

 Dominique Mataillet.

 

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