Ce viol qui a ébranlé le Maroc.

La loi sur les violences faites aux femmes, adoptée en février 2018, entre en vigueur aujourd’hui, mercredi 12 septembre. Mais le cri de douleur de Khadija, kidnappée, séquestrée et violée « je ne leur pardonnerai jamais, ils m’ont détruite », résonnera longtemps tant que ces violences demeurent impunies.

Au Maroc, on n’est plus à un viol près ! Après le drame d’Amina qui, en 2012, s’est suicidée, pour ne pas épouser de force son violeur, tout comme le suicide (en 2016) d’une autre jeune fille de 15 ans, Nassima, dont les violeurs ont été relâchés par la justice, voilà qu’une autre affaire est venue ajouter aux martyres des marocaines. Et secouer tout un pays. Khadija, 17 ans, habitant dans un village du centre du pays, a été enlevée par une douzaine d’hommes. Ils l’ont séquestrée et violée, deux mois durant, avant de la relâcher. Son témoignage poignant, diffusé dans une vidéo, a ému tout le royaume. Ses bourreaux ont été arrêtés et déférés devant un juge d’instruction qui a commencé à les auditionner jeudi dernier.

Cette abominable affaire qui a défrayé la chronique, au-delà de l’émoi qu’elle a suscité, a donné lieu à une grande mobilisation pour éviter que les violeurs ne bénéficient d’une quelconque complicité dans les sphères de la police, de la justice ou politiques. Et pour que le silence (le meilleur complice dans ce genre d’affaire) soit rompu, une vaste campagne sur les réseaux sociaux a été menée pour dénoncer les violences faites aux femmes et des manifestations de soutien ont été organisées pour crier STOP aux agressions sexuelles. Des personnalités connues pour leur engagement de défense de la cause féminine ont initié une pétition qu’ils ont publiée dans le quotidien français, Libération. Les signataires sont des écrivains comme Tahar Ben Jalloun et Leila Slimani, mais aussi des activistes tels que Noureddine Ayouch, Aïcha Chenna et Chafiq Chraïbi. Ces viols sont, en fait, symptomatiques des violences et des agressions subies par les femmes au Maroc. « 62,8 % d’entre elles avaient subi des violences physiques, psychologiques, sexuelles ou économiques », selon une étude officielle de 2011, la seule jusque-là, réalisée par le gouvernement marocain. Mais « 3% seulement des femmes ayant subi des violences conjugales en avaient informé les autorités ». En 2014, l’article du code pénal qui dispensait les violeurs des poursuites judiciaires en cas de mariage avec leur victime a été abrogé. Un pas important dans la protection des jeunes mineures. 

Après une rude bataille menée par les défenseurs de la cause féminine, une loi sur les violences faites aux femmes a été adoptée en février 2018. Elle entre en vigueur aujourd’hui, mercredi 12 septembre. Bien qu’elle soit venue combler un vide, elle est plutôt considérée comme « une avancée modeste qui ne répond pas aux normes internationales » et elle est « loin de répondre aux besoins de protection » des femmes, selon plusieurs ONG. Ces dernières estiment qu’elle «n’apporte pas de réponses aux problèmes réels posés par le phénomène de la violence» et reste largement «en deçà des attentes du mouvement féministe».

Le procès des violeurs présumés de Khadija est scruté tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du royaume. On s’attend à ce qu’il marque un vrai tournant dans le traitement judiciaire de ce genre d’affaires. Le cri de Khadija, « je ne leur pardonnerai jamais, ils m’ont détruite », résonnera aussi longtemps que les violences faites aux femmes demeureront impunies et que les droits hommes/femmes seront inégaux.

Brahim Oueslati.

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