Mais à quoi peut bien servir un robot-chien ?

Le nouvel Aibo © Sony

Aibo, vous vous en souvenez ? Mais si ! Ce prototype de robot-chien lancé par Sony en 1999. Eh bien la firme japonaise sort son petit frère, près de vingt ans plus tard. Et notre chroniqueur Olivier Marbot ne le trouve pas plus utile que son ascendant, alors que les robots se sont entre-temps installés dans le paysage.  

J’ai été, dans une autre vie, journaliste spécialisé dans les nouvelles technologies. Ce passé-là est derrière moi et si je n’en conserve pas de nostalgie particulière, je garde tout de même un certain intérêt pour la « hi-tech », comme on dit de moins en moins, et accessoirement pour les grandes entreprises de ce secteur. Comme chaque année, j’ai donc parcouru distraitement les articles que la presse consacre au Consumer Electronics Show, le grand salon de Las Vegas où les marques d’électronique grand public, d’informatique et de télécoms présentent leurs dernières nouveautés.

C’est ce qui m’a permis d’apprendre que les Japonais de Sony y ont présenté une nouvelle version de leur chien robot, Aibo.

Cette information m’a fait l’effet d’un voyage dans le temps. Je me souviens très précisément de la présentation du premier Aibo – car oui, il y a eu un premier Aibo. C’était en 1999, au salon IFA de Berlin. Au milieu des lecteurs DVD, baladeurs MiniDisc et autres écrans plats plasma ou LCD, l’équipe Sony était très fière de présenter une « surprise » à la presse européenne. Après un silence, nous vîmes entrer dans la pièce une espèce de caniche en plastique gris avançant laborieusement sur des roulettes. Des « yeux » s’éclairaient sur la face avant du machin, qui visiblement était aussi capable de s’asseoir et, avec une lenteur exaspérante, de « courir » après une balle rose fluorescente.

Mi-consternés, mi-fascinés, nous eûmes alors droit à un petit discours d’un cadre de Sony expliquant que nous avions sous les yeux le futur de l’électronique grand public, un concentré du savoir-faire Sony en matière – déjà – d’intelligence artificielle et d’interface homme-machine. Certains confrères ricanèrent et retournèrent vite aux lecteurs DVD… Quant à moi, j’essayai d’en savoir plus et pris à part un représentant du groupe japonais.

Près de vingt ans après, l’échange me reste en mémoire tant il fut surréaliste :

-Alors, que pensez-vous d’Aibo ?

– Heu… A vrai dire je ne sais pas bien, ça sert à quoi ?

– Eh bien c’est… C’est un compagnon digital, vous entrez en interaction avec lui et il apprend. Il enregistre vos habitudes, il s’adapte à votre mode de vie. Si vous êtes gentil avec lui, il va chercher votre contact…

– D’accord… Et si je le bats ou que je lui crie dessus, il va devenir méchant ?

– (Rire gêné) Heu… Non, bien sûr que non…

– Ah bon ? Il va faire quoi alors ?

– (Rire gêné)

– Bon. Et ça coûte combien ?

– Heu… 17 000 francs.

Pour les plus jeunes, 17 000 francs = 2 600 euros. Même pour l’époque, c’était très cher.

– Hein ? Mais il y a des gens qui vont mettre 17 000 francs là-dedans ?

– Oui, au Japon il y a une forte demande…

– Mais ça sert à quoi ? Les gens en font quoi ?

– Eh bien ils… Ils le montrent à leurs amis, ils se prennent en photo avec, ils lui apprennent des… Heu… (Rire gêné) En fait c’est un concentré du savoir-faire Sony en matière d’intelligence artificielle, de robotisation, de miniaturisation… C’est une fenêtre ouverte sur le futur… C’est…

Bref, Sony vendait pour plus d’un mois de salaire médian une espèce de jouet qui ne servait à rien. Dois-je préciser qu’à part au Japon, Aibo ne s’est à peu près pas vendu et que lorsque le groupe a dû se restructurer pour faire face aux difficultés, la division robot a été l’une des premières à passer à la trappe ?

Et en 2018, pourtant, Sony ose un nouvel Aibo. Esthétiquement, le dernier né ressemble un peu plus à un chien, mais aussi à un jouet pour enfants. Il est un peu moins cher (on annonce 1 770 dollars quand même) et, au lieu de stocker ses informations sur un Memory Stick, le défunt format de carte mémoire made in Sony, il va les chercher sur le cloud. Pour le reste, les « services » offerts sont à peu près les mêmes qu’en 1999 et, comme le dit un cadre de Sony cité dans la presse, « ce n’est que le début ».

Mais le début de quoi ? Les ingénieurs japonais savent-ils que la technologie a évolué depuis 1999 ? Qu’aujourd’hui il existe des robots qui servent dans les restaurants, s’occupent de personnes âgées (au Japon), volent, font la guerre, conduisent des voitures et battent les champions de Go et d’échecs ? Les gens de Sony réalisent-ils qu’un consommateur a des échanges infiniment plus riches avec un boîtier Amazon ou Google, avec le système d’exploitation de son ordinateur, voire avec un smartphone à interface vocale (ils en ont tous) qu’avec ce brave Aibo ?

Sans doute. Alors rassurons-nous : comme ils le disent, « ce n’est que le début »…

Par Olivier Marbot

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*