À la veille des prix …

Avant la remise des grands prix littéraires d’automne, qui débutera le 25 octobre avec celui de l’Académie française, m’est venue l’envie de lire le Goncourt… 2017. Comme dit le proverbe, il n’est jamais trop tard pour bien faire.

Je n’ai pas été déçu. L’Ordre du jour (Actes Sud) est le récit de l’Anschluss, soit l’annexion de l’Autriche par l’Allemagne en 1938. Le héros malheureux de l’affaire étant le chancelier autrichien Kurt von Schuschnigg, qui va se faire avaler tout cru par son homologue allemand Hitler. C’est raconté avec un luxe de détails inouïs. On s’y croirait.

Séduit, donc, par cette lecture, je me suis jeté sur un autre livre d’Eric Vuillard, 14 juillet (Actes Sud). Et j’y ai tiré autant de plaisir. Avec la même précision d’entomologiste, l’auteur raconte ce qui s’est passé au cours de cette journée restée dans les annales comme le point de départ de la Révolution française. Ses héros ? La foule de Parisiens qui ont pris d’assaut la Bastille. Il nous en donne parfois les noms. J’ai pu vérifier la rigueur de l’auteur, l’un d’entre eux venant du village où j’ai grandi et portant un nom (rare) qui m’est familier.

Parallèlement, j’ai « attaqué » un autre écrivain, Laurent Binet, dont le roman HHhH (Grasset), couvert d’éloges par la critique à sa sortie en 2009, m’intriguait. Pour ceux auxquels cela aurait échappé, ce titre énigmatique est l’acronyme de Himmlers Hirn heißt Heydrich, littéralement « le cerveau de Himmler s’appelle Heydrich ». Le livre raconte, en long et en large, l’opération au cours de laquelle fut préparé l’assassinat du chef de la Gestapo par deux parachutistes tchèques à Prague en mai 1942.

Ici aussi, les faits rapportés et les personnages sont strictement authentiques, tout l’art de l’écrivain consistant à inventer ce que l’histoire n’a pas pu retenir, y compris les pensées les plus intimes des personnages, pour que son texte se lise comme un roman.

Ainsi donc aujourd’hui de jeunes écrivains, plutôt que de livrer la énième histoire nombriliste, font le choix de s’emparer d’un événement historique et de le relater aussi fidèlement que possible aux faits avérés, mais avec leur plume de romancier, en se mettant parfois eux-mêmes en scène dans la narration.

Comme pour Vuillard, j’ai voulu découvrir un autre livre de Laurent Binet. La Septième Fonction du langage (Grasset), prix Interallié 2015, pour le coup, est bien une fiction. Heureusement, d’ailleurs, parce que l’auteur avance des tas d’horreurs sur des personnages bien réels. Certains tout ce qu’il y a de plus vivant, tant mieux pour eux, tels Philippe Sollers, Julia Kristeva, Bernard-Henri Lévy. D’autres passés de vie à trépas comme Umberto Ecco, Michel Foucault et, surtout, Roland Barthes, puisque toute cette histoire délirante autour d’une découverte linguistique révolutionnaire débute avec la mort, accidentelle, de Barthes, du côté du Collège de France en février 1980.

Amateur de littérature américaine, longtemps spécialisé dans les questions culturelles africaines, je n’avais qu’un intérêt réduit pour la littérature française actuelle. Mes choix se portaient sur quelques ténors comme Patrick Modiano, Jean Echenoz et Annie Ernaux. Je découvre aujourd’hui qu’il y a bien d’autres talents littéraires dans le pays où je vis. Il n’est jamais trop tard.

Dominique Mataillet.

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*