« Vivant, le gibier se mérite, mort, il se respecte »

Chez Auguste

Dans l’ancienne France, celle de Jules Renard ou de Maurice Genevoix, la chasse avait le double avantage de rappeler que la nuit du 4 août 1792 avait mis fin à la confiscation d’un droit par la noblesse, et ouvert celui de profiter un peu de la nature. Cela allait de pair, pour la jeunesse, avec le braconnage, la cueillette et le marivaudage juvénile au moment des moissons et des vendanges.

Un temps perçues comme ringardes, voire pire – franchouillardes – les viandes sauvages reviennent en cuisine. Quelques chefs s’emploient même à les moderniser. Jeunes et moins jeunes, ils paraissent s’être donnés pour consigne de renouveler leurs recettes de gibier, en faisant évoluer les cuissons, les garnitures et l’ordonnance des assiettes pour réapprendre à leurs clients le goût de la plume ou de la venaison. Le mot de Benoît Violier, disparu prématurément en janvier 2016, semble avoir fait des émules : «  Vivant, le gibier se mérite, mort, il se respecte. »

En Ecosse, la chasse à la grouse est ouverte depuis le 12 août, selon un rituel immuable. C’est une chasse précoce et mondaine, respectueuse cependant de l’équilibre fragile de l’espèce. Ce galliforme, qui peut voler à plus de 140 km/h depuis les régions sub-arctiques, est sauvage et inapte à l’élevage. Dénoncée en Angleterre par les défenseurs de la cause animale (Ligue contre les sports cruels), la chasse à la grouse est réservée aux chasseurs venus du monde entier, aristocrates fortunés et capitaines d’industrie, qui devront s’acquitter d’une taxe de prélèvement d’environ 50 livres par oiseau.

Le lagopède d’Ecosse.

 

Jeune chef, vieille tradition

En France, même si elle ne fait pas l’unanimité, la grouse est appréciée par de nombreux amateurs, qui la préfèrent dès l’ouverture de la chasse. En novembre, son goût se renforce jusqu’à l’amertume, quand arrive la fermeture, à la mi-décembre. Le Breton Gaël Orieux, chef de Auguste, étoilé Michelin, est, depuis plusieurs années, le premier à proposer à Paris, dès la fin août, ce petit coq de bruyère de la famille des lagopèdes. Familier des légendes et des traditions du pays natal, ce chef encore jeune, se sent en phase avec ce gibier du vieux fond celtique, qui vit caché en Ecosse dans des landes de bruyère entre 300 et 600 mètres d’altitude.

Chez Auguste la grouse est d’abord entièrement désossée. Ses filets (suprêmes) sont réservés à cru, tandis que les cuisses, débarrassées de leur peau, sont braisées doucement. Le chef confectionne une farce fine, puis compose, en faisant alterner cet appareil avec les suprêmes, un mille-feuille insolite recouvert, à la façon d’un tournedos Rossini, d’une escalope de foie gras de canard poêlé et de verdure pour le décor. La sauce, selon l’usage, est un fond de gibier déglacé au whisky et d’une touche de crème. Une côte-rôtie, cépage syrah, est l’accompagnement idéal de plat (environ 50 euros), qu’accompagne aussi une purée de céleri. L’ensemble est un véritable délice, pour amateur averti. Au déjeuner, menu à 37 euros – Menu découverte : 88 euros.

Auguste. 54, rue de Bourgogne.75007 – Paris. Tél. : 01-45-51-61-09 fermé samedi et dimanche.

 

 

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