Tous francophones

Du sommet de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) qui s’est tenu à Erevan les 11 et 12 octobre, on a surtout retenu l’élection d’une nouvelle secrétaire générale, la Rwandaise Louise Mushikiwabo. Et, événement concomitant, le combat désespéré pour sa reconduction à la tête de l’OIF de la sortante, la Canadienne Michaëlle Jean. Pourtant, l’essentiel a peut-être été ailleurs…

Comparée à cette bataille de dames inédite, l’adhésion de nouveaux membres pouvait passer pour secondaire. D’autant que de sommet en sommet, l’OIF ne cesse de s’élargir.

Au point, regrettent certains, de s’apparenter à une ONU bis. Un petit « machin » aurait dit le général de Gaulle. Qu’on en juge : de 21 membres à la création de l’organisation, en 1970, quand elle s’appelait Agence de coopération culturelle et technique (ACCCT), on est arrivé en 2018 à 88 membres, dont 27 ont le statut d’observateurs.

Avec chacun des raisons géopolitiques qui lui sont propres, l’Irlande, Malte et la Gambie sont parmi les nouveaux élus de 2018. C’est le cas aussi de la Louisiane. Comme la Fédération Wallonie-Bruxelles, comme le Québec, le Nouveau-Brunswick et l’Ontario dans le Canada voisin, comme aussi la Nouvelle-Calédonie, c’est une région – un État fédéré en l’occurrence – qui rejoint ainsi la Francophonie.

L’ancienne province française compte quelque 250 000 francophones, majoritairement cajuns ou cadiens, nom donné aux descendants des Acadiens chassés du Canada par les Anglais au XVIIIe siècle. Ce qui est peu dans un Etat peuplé de près de 5 millions d’habitants.

Mais les marques de la présence française (et donc de la francophonie) sont omniprésentes dans les paysages, les coutumes, la toponymie. Ainsi est-ce le seul Etat américain, avec l’Alaska divisé en boroughs, où les subdivisons politiques sont, non des comtés (counties), mais des paroisses (parishes en anglais), héritage de l’administration coloniale française. Quoi de plus français, ensuite, que le nom de la capitale, Baton-Rouge (sans accent circonflexe, néanmoins)?

L’admission de la Louisiane dans la grande famille francophone peut également s’apprécier dans un contexte étasunien plus large où on note un engouement pour l’apprentissage du français et un intérêt grandissant pour « l’acquisition de compétences linguistiques professionnelles » dans cette langue.

Bien sûr, l’essor du français ne se limite pas au pays de Donald Trump. Si l’on en croit le rapport sur La langue française dans le monde 2018, dont les grandes lignes sont été rendues publiques à l’occasion du sommet d’Erevan, le français a progressé de 10 % dans le monde depuis 2014. Avec 300 millions de locuteurs, il est la cinquième langue la plus parlée, après le chinois, l’anglais, l’espagnol et l’arabe.

Une progression qu’il faut relativiser toutefois, puisqu’elle est pour l’essentiel le résultat de la croissance démographique d’une seule région, l’Afrique.

Si le nombre des francophones progresse, celui des membres de la Francophonie, on l’a vu, augmente encore plus vite. Ce serait une bonne nouvelle si les nouveaux arrivants s’employaient à donner un coup de fouet à la diffusion de la langue de Molière sur leur territoire. Cela n’est, hélas, pas souvent le cas.

Dominique Mataillet.

 

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