Quartiers et beaux quartiers

On n’en est pas forcément conscient mais les mots que nous connaissions hier n’ont plus vraiment le sens qui nous était alors familier, tant s’en faut. 

Territoires. Voilà un mot qui s’invite régulièrement dans le discours des hommes politiques français. Hier, on parlait de régions, de provinces, de zones rurales. Aujourd’hui, il n’y en a plus que pour les « territoires ». À un point tel qu’ils ont leur ministère – que dirige Jacques Mézard. C’est même devenu une entité administrative. Ainsi, nous dit-on, la nouvelle métropole du Grand-Paris est constituée de 12 territoires. Formés par le regroupement de communes, ceux-ci portent des noms tels « Grand Paris Seine Ouest », « Paris Est Marne Bois », « Plaine Commune », « Grand Orly Seine Bièvre ».

Un autre terme s’est imposé, lui aussi de façon subreptice, dans le langage des politiques et des médias : « quartiers ». Qu’on lui adjoigne ou non le qualificatif de « sensibles », il est devenu pour tout le monde synonyme de zones urbaines périphériques à problèmes. Rien à voir avec les beaux quartiers de Louis Aragon ou ceux du Paris haussmannien décrits par Marcel Proust. Il s’agit pour le coup d’un habitat populaire composé de tours et de grands ensembles.

Il n’y a pas si longtemps encore, on parlait de « cités ». Mais, parce qu’il a fini par évoquer un espace concentrant tous les maux de la société, ce terme est passé à la trappe.

Ainsi va la vie des mots. Certains parmi les plus simples connaissent parfois un engouement inattendu. C’est le cas de « paysage ». Qu’il s’agisse de politique, d’audiovisuel voire de nuptialité, il est mis à toutes les sauces. Même chose avec « gouvernance », qui, issu du monde de l’entreprise, est désormais utilisé pour qualifier la manière – bonne ou mauvaise – de diriger un pays

Comme les vêtements, les mots passent aussi de mode. On ne parle plus de « modèle » mais de « paradigme ». Thème et problème ont cédé la place à « problématique ».

La tendance est en général à la simplification. A-t-on remarqué, par exemple, que beaucoup de gens parlent aujourd’hui de « transports » et non plus de « transports en commun » lorsqu’ils ont entête les déplacements en train, en métro ou en bus ?

On peut le regretter ou s’en féliciter : la langue française se réinvente en permanence. C’est la preuve, n’en déplaise aux esprits grincheux, qu’elle est bien vivante.

Dominique Mataillet

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*