L’Europe face à la pression migratoire

Il convient d’accroître le soutien aux pays concernés et se tenir aux côtés des jeunes démocraties qui peinent encore à assurer leur transition, économique surtout. Un accompagnement est nécessaire dans cette situation, sans interventionnisme ni pressions.

Dans une interview publiée dans le JDD, dimanche dernier, le nouveau ministre français de l’intérieur Christophe Castaner s’inquiétait de « la pression qui s’exerce sur la frontière espagnole ». Selon lui, « depuis le début de l’année, on a recensé en Espagne 48 000 entrées irrégulières en provenance du Maroc, soit une augmentation de 155% ». Il a précisé qu’en « un an, les non admissions à la frontière franco espagnole ont augmenté de 60% dans les Pyrénées-Atlantiques ». L’Espagne est, en effet, devenue ces derniers temps la première destination de migrants clandestins. Elle est séparée du Maroc par le Detroit de Gibraltar, un passage maritime large de quelque 14 kilomètres et qui relie l’Afrique à l’Europe. Il compte également deux autres points de passage terrestres, Ceuta(Sebta) et Melilla les deux enclaves espagnoles situées dans le territoire marocain.

Ces trois passages ont souvent été pris d’assaut par des migrants en provenance de pays africains et ont été le théâtre de drames humains. Lundi dernier, les autorités marocaines ont annoncé la mort d’un migrant et la blessure d’une douzaine de militaires qui tentaient d’empêcher les migrants de pénétrer dans le territoire espagnol à travers l’enclave de Melilla, pourtant encerclée d’une double clôture de barbelés de 12 kilomètres de long. Le Maroc qui a rejeté une proposition européenne d’abriter des centres d’accueils pour migrants sur son territoire, n’arrive pas à contenir un flux sans cesse croissant, malgré la coordination avec son voisin du Nord. Aussi bien Rabat que Madrid ont multiplié les appels du pied à l’Union européenne pour obtenir des aides substantielles leur permettant de gérer les flux migratoires. La Commission a décidé d’octroyer au gouvernement marocain une aide urgente de 70 millions d’euros pour « faire face à l’afflux croissant de migrants vers l’Espagne », selon le journal El Pais.

L’Europe divisée

La question de l’immigration a toujours été un point de discorde qui divise l’Europe. Avec l’arrivée de l’extrême droite en Italie, les 28 n’arrivent pas à s’entendre sur un compromis. L’échange aigre doux entre Emmanuel Macron et le ministre italien de l’intérieur Matteo Salvini qui a viré à l’affrontement, traduit ce désaccord autour de la question. Le président français n’a pas mâché ses mots en parlant de « la lèpre qui monte » en Europe, visant l’homme fort de l’Italie.

Les nouvelles vagues migratoires ont commencé en 2011 suite à la déstabilisation de plusieurs Etats du sud de la Méditerranée et dont l’Europe doit assumer sa part de responsabilité. C’est le cas de la Libye, attaquée par une coalition menée par les Etats Unis et qui a entrainé la chute du régime du colonel Kadhafi. Depuis, elle a été abandonnée à son triste sort. En pleine guerre civile, ses frontières poreuses sont devenues de véritables passoires pour des milliers de migrants africains. Et sans s’étaler sur d’autres causes plus profondes encore et dont certaines remontent à la période de la colonisation, l’Europe qui s’est transformée en une forteresse est censée mettre en place une stratégie à long terme pour solutionner cette épineuse question. En rejetant la responsabilité de ce fléau sur les pays du sud, démunis de moyens, et en cherchant à leur imposer des solutions, elle ne fait qu’exacerber le mal. En aucun cas ces Etats ne sauraient se transformer en polices des frontières pour juguler le flux de migration.  Ni encore en « ghettos » pour les migrants et les demandeurs d’asile. Car, malgré les pressions exercées sur la Tunisie et la Libye, ces deux pays ont donné une fin de non-recevoir à l’Union européenne. Même les aides à la réadmission se sont avérées insuffisantes.   

Il convient, plutôt, d’accroître le soutien aux pays concernés et se tenir aux côtés des jeunes démocraties qui peinent encore à assurer leur transition, économique surtout. Ce soutien ne devrait pas être conditionné à des contraintes de quelque nature qu’elle soit. Un accompagnement est nécessaire dans cette situation, sans interventionnisme ni pressions.

Brahim Oueslati

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