Dans les bras de Erdogan

Séparatistes arméniens de l'Armée de défense du Karabakh se dirigeant vers Martakert, le 29 septembre.

Par Jean-Louis Gouraud

Certains se sont extasiés devant l’habileté dont Vladimir Poutine a fait preuve en profitant des tergiversations occidentales, en Syrie puis en Libye, pour imposer le retour de la Russie dans le jeu diplomatique mondial.

On peut s’étonner, aujourd’hui, à l’inverse, de la maladresse dont il fait preuve dans la gestion du conflit qui oppose, depuis bientôt trente ans, deux de ses obligés, l’Arménie et l’Azerbaïdjan.

En s’obstinant à surtout ne pas résoudre un problème dont la permanence, au fond, l’arrangeait, la Russie a fini par favoriser l’arrivée d’un nouvel acteur – et pas n’importe lequel : la Turquie.

La responsabilité de cette inquiétante extension du conflit n’est pas imputable qu’à la Russie, mais tout autant, ou presque, aux puissances occidentales (les États-Unis et la France), chargées par l’OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe) d’aider les deux pays en conflit à trouver une solution pacifique : en bientôt vingt ans de médiation, ils n’ont – faute d’une réelle volonté d’aboutir – obtenu aucune avancée, ni même aucun espoir d’une sortie de crise.

Il était pourtant évident que l’anomalie (l’occupation militaire d’une partie du territoire de l’Azerbaïdjan par l’Arménie) ne pouvait durer éternellement.

La passivité de la Russie peut s’expliquer de différentes façons : l’Arménie est un des rares pays de l’ex-Union soviétique à avoir adhéré à l’OTSC, organisation créée par la Russie, officiellement pour contrebalancer l’influence grandissante de l’Otan dans l’espace ex-soviétique. À cela s’ajoutent peut-être d’autres considérations, comme le fait que l’homme fort de la diplomatie russe, le ministre Sergueï Lavrov, est, ne l’oublions pas, d’origine arménienne.

Du côté occidental, la tolérance dont ont fait preuve ses membres à l’égard des Arméniens, lorsqu’ils se sont emparés par la force du Haut-Karabagh, qu’ils occupent depuis maintenant trois décennies, fait contraste avec l’énorme scandale provoqué par la reprise en main de la Crimée par les Russes : deux poids, deux mesures.

À force, donc, de ne rien faire, l’Occident et la Russie ont ainsi jeté l’Azerbaïdjan, un pays résolument laïc, dans les bras du régime résolument islamique de Recep Tayyip Erdogan. Il serait naïf de croire que ce dernier ait apporté son soutien à son voisin azerbaïdjanais de façon tout à fait désintéressée : il y aura un jour – soyons-en sûrs – un prix politico-religieux à payer. Beau résultat !

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